vendredi 22 octobre 2010

les 2 premières pages inédites du roman

Pascal MARMET


SI TU SAVAIS

passage inédit
supprimé dans la version définitive




Post-it
J'ai un mal de crâne épouvantable, une boite de doliprane vide au fond de mon sac, une envie de pleurer bien contrôlée, le nez qui coule, les yeux vermillon et la voix rauque, j’me sens pas belle, mon portable est déchargé et j'ai le bout du nez sous la banquise. C'est la grande forme. Finalement, je ne crois plus que mon idée de l'attendre toute recroquevillée devant sa porte soit la bonne décision. Surtout après avoir traversé la France tout au fond d’un wagon cabine des années 80. Trois changement et 800 kilomètres dans un train, croyez-moi, on en ressort pas indemne !
En entrant par cette porte dix-huit mois plus tôt, j'étais naïve et stupide, transparente et cadenassée, malchanceuse et moche comme un pou. Manque un détail sur ma liste : J'étais vierge. Dans le sens propre du terme. C'est comme si cette porte avait été une sorte de matrice qui vous améliore au passage et qui libère des centaines d'issues. Compliqué ma vision de la chose. Mais je sais qu'il y un avant et puis un après définitif qui vous confine à l'œuvre d'art ou à l'autodestruction. Depuis cette porte, j'observe, je me trompe, j'apprends et j'ai la tête dans un lave-linge.
Quelle différence y a t-il entre moi en sortant de cette porte et moi assise sur le paillasson de cette même porte ? Tout. Qui étais-je, que suis-je devenue ?
Je suis une femme amoureuse d'un homme qui m'a fait l'amour debout et qui m'a poussé à m'accomplir loin de lui. Un orgasme comme une tempête et à trois, tu disparais. Vraiment conne. Un regard, deux phrases, trois caresses ont produit une transformation accidentelle. J’avais peur de tout et j’ai tout compris grâce à des inconnus qui m’ont pris sous leurs ailes, des gens m’ont parlé, m’ont regardé et maintenant, je suis un peu d’eux et suis couverte de dettes de vie. Juste avant de refermer la porte sur moi, Marc a dit : Tu es à inventer. Maintenant, j'ai besoin d'explications pour ne plus me grignoter le cœur. Je prendrai bien un orgasme au passage. Juste un petit cyclone et promis, je repars avec toute mouillée sous la tempête.
Quelqu'un vient d'appeler l'ascenseur. Redresse-toi Sabrina, c'est sûrement lui. Trois heures à attendre dans les courants d'air. Et par pitié, arrête de trembler. L'ascenseur s'arrête et un jeune homme en sort avec trois sacs Caddie Market pleins à craquer.
-Bonjour.
Pas de réponse.
Il glisse une clé dans la porte voisine et disparaît.
Ma tête va exploser si je ne trouve pas un doliprane. Tant pis, je sonne chez le voisin pas bonjour. Marc, tu me fais mendier un antalgique. Merci.
- Bonjour monsieur. J'attends votre voisin qui ne semble pas arriver. Vous n'auriez pas un doliprane par hasard ?
Il a refermé la porte l'impoli. Sympa. Quelle belle journée ! Je crois que je vais pleurer finalement.
La porte du voisin s'ouvre à nouveau et l'impoli me tend dans un beau sourire un verre d'eau et deux magnifiques cachets tout blanc et un petit post-it tout jaune. Je lis : Je suis muet. Cela fait plusieurs mois que je ne vois plus Marc. Mais il doit être là puisqu'il reçoit régulièrement des livraisons et que j'entends souvent son piano.
Mon impoli me tend aussi une boite de mouchoirs en papier blanc. Pas si impoli mon impoli coloré. Adorable même dans son regard tendresse déstabilisant.
Dans quinze minutes, plus de maux. Serre les dents.
Post-it vert : Vous pourriez attendre chez moi.
Je le remercie en déclinant son offre et je luge sur mon carré de paillasson en fermant les yeux. Apnée de quinze minutes et vive la chimie ! Va falloir consulter parce que c'est plus tenable.
Le voisin revient avec un coussin et une couverture. Post-it rouge : Si vous changez d'avis…
Quelques minutes plus tard, le revoilà avec un thé brûlant et deux tranches de cake.
Post-it bleue : Je m'appelle Sylvain.
Je vais l’appeler monsieur post-it de toutes les couleurs.
Il me tend un autre carré violet : Marc joue du piano dans son salon.
Tu parles d’un scoop ! Je le sais bien qu’il joue du piano ! Je suis sa nana quand même !
Comme s’il avait lu dans mes pensées, il noircit rapidement un autre petit bout de papier blanc d’un : « Je veux dire, il joue, là, maintenant, dans son salon, tout de suite, je l’entends depuis chez moi, venez vérifier par vous-même! ».
Je me précipite alors dans l’appartement de Sylvain où domine l’odeur capiteuse de l’huile de lin et pleins de tableaux alignés les uns contre les autres, et là, j’entends. Violence des notes qui s’entrechoquent, dissonantes, agressives, tourmentées.
Post-il vert : «J’ai l’impression qu’il ne souhaite pas vous voir »
-Sylvain, vous auriez un stylo et une feuille de papier ?

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